« LA CHASSE PHOTOGRAPHIQUE »
De J-M. BAUFLE et J-P. VARIN
Hachette
" Isolé derrière ses boîtes de collections ou projeté en pleine action, comme un feu follet, le filet à la main, le naturaliste était autrefois considéré comme un être simple, naïf, voire un peu bouffon.
La nature lui était quelque peu livrée, réservée qu'elle était aux cultures ou à la chasse. Après l'exploitation intensive de la forêt et des ressources agricoles, on en vint à considérer cette même nature comme un lieu de repos, de refuge destiné à effacer toutes les souillures de la ville. Ainsi on lui attribuait une noble fonction, propre à panser bien des cœurs blessés, à satisfaire bien des rêves d'évasion. Mais on ne saurait l'apprécier vraiment, profondément, si on ne s'intéresse pas un jour aux êtres et aux choses qui la peuplent. Il faut se poser des questions pour essayer de dépasser la simple curiosité, et l'observation seule ne suffit plus pour bien la comprendre.
On ne naît pas naturaliste, on le devient, à force de recherches patientes, d'attentes obstinées ; et, avant d'entreprendre quelque action sur le terrain, l'étude du milieu et du climat, la détermination de tous les éléments du biotope, sol et végétation, la connaissance des liens qui régissent leur communauté réciproque sont absolument indispensables pour partir à la recherche, à la poursuite et à la découverte de l'animal. Du réseau des relations existant entre tous ces éléments est née la découverte de chaînes alimentaires qui unissent les végétaux et les animaux entre eux, puis les différentes espèces animales entre elles. Les oiseaux se nourrissent par exemple d'insectes, qui eux-mêmes détruisent des plantes, mais ces oiseaux seront détruits par les petits mammifères carnivores ou de grands rapaces, qui eux-mêmes disparaîtront détruits à leur tour, cadavres absorbés par les nécrophages et les bactéries. Sous cette forme, ceux-ci seront assimilés par les plantes. Et quand on connaît le moment où se produit l'intervention d'un animal dans le cycle de cet enchaînement, on peut, d'après les populations et les végétaux qui composent le biotope, savoir quel animal on a des chances de rencontrer et préparer son action pour cette rencontre.
En même temps que s'étendront vos connaissances complétées par des notes et observations personnelles, il faudra songer à traiter les sujets qui vous intéressent. Sans parler d'une véritable spécialisation, il est possible que vos goûts fassent porter vos préférences sur une espèce bien particulière ou un milieu donné, ou que vous ne puissiez, par manque de temps ou de moyens physiques, consacrer assez d'heures et de temps à des thèmes trop vastes.
Il n'y a pas que les gros mammifères ou les oiseaux rares qui soient dignes de figurer dans les collections du photographe naturaliste. Les émotions ne seront sans doute pas les mêmes, mais l'étude de 10 m2 dans la campagne constitue déjà une expérience passionnante. D'ailleurs, la photo unique, bien souvent prise au hasard d'une rencontre, n'est plus un thème en soi suffisant au naturaliste pour communiquer ses impressions. Le plan de situation de l'animal dans son biotope, recréé par une série d'images documentaires, est aussi important que le plus beau portrait de celui-ci. Les paysages, les plantes, les fleurs, les champignons et les arbres seront la base d'une synthèse raisonnée de ces images. Avec un œil neuf et de solides notions des sciences de la nature, la ferveur et la patience seront aussi les vertus nécessaires au bon naturaliste. "
EX EW CR EN VU NT LC