Zinnikeri est une demoiselle du Sud-Ouest pas très commode, avec son air renfrogné et son nez retroussé. Comme elle veut surtout qu'on lui fiche la paix, elle s'adonne à l'art du mimétisme pour qu'on la prenne pour une couleuvre. Sauf qu'elle ignore que personne n'est plus ignorant que l'humain sur les moyens d'identifier l'une ou l'autre (répétons : pupille ronde, couleuvre ; pupille verticale, vipère). Comme tout Gascon qui se respecte, elle n'a pas peur dé faire randonner ses 70 cm dans les hauteurs, d'ondoyer dans les fourrés, ni de se prélasser au soleil en bord de mer, de camper dans les prés ou de surveiller les rangs de vigne.
Une fois fâchée, la vipère aspic plante dans la peau des crochets sacrement bien fichus, directement reliés à une pompe à venin. Et que je pompe, et que je pompe... Ses petites proies en meurent, l'homme piqué en est tout gourd, et ça fait bigrement mal, et pendant plusieurs semaines. Comme elle n'y voit rien, elle pique au hasard, et méchamment, furieuse, peut-être, que ses capteurs thermiques aient manqué de l'alerter.
La coquette ophidienne arbore deux rangées d'écailles carénées joliment alignées sous les yeux. La ligne dorsale noire compose de jolis dessins bruns qui ressemblent à des motifs africains et Zinnikeri y met parfois une bordure orangée, pour faire plus joli. Madame a le flanc épais, à force de porter portée, qu'elle met bas en été, tous les deux ans de préférence, parce que la grosseur des œufs et les petits.
Une vingtaine qui s'agitent dedans, ça la fatigue un peu. C'est pour ça qu'elle dort souvent, et que ça la met en pétard quand on marche dessus par hasard.
Isabelle de Montvert-Chaussy i.demontvert@sudouest.com
Article extrait de : Journal Sud-ouest du 29 juillet 2009